Les collections du département desarts graphiques Musée du Louvre
Mise à jour de la fiche 04/10/2023 Attention, le contenu de cette fiche ne reflète pas nécessairement le dernier état du savoir.

GOYA Y LUCIENTES Francisco de


Ecole espagnole

Le pide cuentas la mujer al marido (La femme demande des comptes au mari).

Vers 1796/1797

INVENTAIRES ET CATALOGUES :
Cabinet des dessins
Fonds des dessins et miniatures
RFML.AG.2022.38.1, Verso

LOCALISATION :
Petit format

ATTRIBUTION ACTUELLE :
GOYA Y LUCIENTES Francisco de

TECHNIQUES :
Lavis de sépia. Titré en bas à la plume. En haut à gauche, au pinceau le chiffre 58, et, à droite, le chiffre 11. En bas à droite au pinceau : « Caricat.s ».
H. 00,230m ; L. 00,140m

HISTORIQUE :
Album «B» dit de Madrid, série exécutée entre 1796 et 1797 ; en 1828, Collection Javier Goya y Bayeu (1784-1854) ; en 1854, Collection Mariano Goya y Goicoechea (1806-1874) ; Ca. 1855-1860, Madrid, Collection Federico de Madrazo y Kuntz (1815-1894) et/ou Roman Garreta y Huerta ; Grace à l'intermédiaire de Paul Lebas, vente anonyme, Paris, Hôtel Drouot, 3 avril 1877, ensemble de 105 dessins par Francisco Goya, n° 73 «La tante Chorriones allume le bûcher» ; Collection Paul Meurice (1818-1905), sa vente, Paris, Hôtel Drouot, 25 mai 1906, n° 97 (recto seulement) «Brujas à recoger» (en 1973, Pierre Gassier, auteur du catalogue raisonné des dessins de Goya, indique que la feuille a été adjugée à Alfred Strölin pour 120 francs) ; Collection Alfred Strölin (1871-1955) ; vente Paris, Galerie Charpentier, 9 avril 1957, n° 4, comme provenant de la collection Paul Meurice (sans mention de Strölin) ; Pierre Gassier (cf. 1973) indiquait que le dessin appartenait à une collection particulière parisienne. AuctionArt - Rémy Le Fur & associés (Paris), Hôtel Drouot, vente du 29 novembre 2022, « Collection d'un grand amateur et à divers », lot n° 24 ; préempté pour le compte de l'Etat. Commission des acquisitions du 23 novembre 2022.
Mode d'acquisition : achat
Année d'acquisition : 2022


COMMENTAIRE :
A la mort de Goya en 1828, 539 dessins demeuraient conservés dans huit carnets. Si cet ensemble est aujourd'hui démembré, les historiens de l'art se sont attachés tout au long des décennies à déterminer ce qui était regroupé dans chacun des carnets et à restituer l'ordre des dessins. L'album B, dit de Madrid, auquel appartient le dessin aujourd'hui offert à la vente, avait été commencé en 1796 en Andalousie, peut-être à Sanlucar, lorsque Goya résidait chez la duchesse d'Albe, Maria Teresa Cayetana de Silva, plus probablement à Cadix où il logea pendant l'hiver 1796-1797. Il fut achevé à Madrid après son retour d'Andalousie début avril 1797. Exécuté sur du papier hollandais, il réunissait des scènes de vie quotidienne, sujets de délassement ou de courtoisie, et à partir de la page 55, tout un ensemble de caricatures et de thèmes ironiques accompagnés de titres dénonçant la stupidité et le pêché. D'un tracé enlevé, les dessins gagnaient en intensité, en particulier en jouant des effets de clair-obscur obtenus à l'aide des lavis d'encre. La manière même de décrire les êtres humains en exagérant les anatomies et en leur donnant un caractère anguleux ou même animal contribuait aussi amplement à la satire. Sur l'ensemble des dessins de l'album B, un peu moins d'une centaine, quatorze servirent à l'artiste pour sa série des Caprices gravée à l'eau-forte, à l'aquatinte et à la pointe sèche. Œuvre emblématique du maître critiquant le comportement humain et donnant la part belle aux visions délirantes de figures étranges, la série des Caprices était achevée le 17 janvier 1799, date à laquelle la Comtesse-Duchesse de Benavente avait payé Goya pour quatre exemplaires imprimés de la suite. L'album B avait en effet permis au maître de s'exercer au monde des grimaces, de la laideur et du grotesque, et pour la première fois, de la sorcellerie, soit des thèmes qu'il souhaitait empreints de morale qui allaient nourrir le reste de son œuvre. Ainsi que Pierre Gassier le soulignait en 1973 dans son remarquable travail dédié aux albums, Goya connut une profonde métamorphose dans le courant de l'année 1797. Transformé par les souffrances physiques qu'il avait connues depuis quatre ans et par l'insuccès de sa relation amoureuse vécue à Sanlucar avec la duchesse d'Albe, l'artiste s'ouvrit en raison de son milieu madrilène aux spéculations morales et politiques des « ilustrados » que furent Jovellanos, Bernardo de Iriarte, Céan Bermùdez, le poète Meléndez Valdès ou l'abbé Juan Antonio Melón, penseurs acquis aux idées nouvelles. Le rôle exercé par le poète Leandro Fernandez de Moratin ne fut pas non plus négligeable, en particulier dans le domaine de la pratique de la sorcellerie dont il se fit l'exégète auprès de ses amis lorsqu'il entreprit la réédition annotée du « Procès-verbal de l'autodafé célébré à Logroño en 1610 ». L'album B contient ainsi les deux premiers dessins à sujet de sorcières dans l'œuvre du maître. Il est aussi celui qui accorde pour la première fois une place majeure aux mots. A partir du dessin 55, les feuilles sont en effet légendées, parfois d'un simple mot, à l'exemple de « Mascaras », « Brujas » ou « Caricat », puis de plusieurs mots et de courtes phrases à la fois descriptives et humoristiques dont le sens contribue indéniablement à la force de l'image. Numérotées, les feuilles comportent également, parfois, des légendes complétées à la plume ou complètement écrites de cette façon. Gassier propose d'y reconnaître des ajouts postérieurs de la main du maître, ou des inscriptions faites par son fils Javier qui renumérota l'ensemble à l'aide d'une plume qui semble avoir également servi pour les mots. Bien connue des spécialistes de Goya et publiée à de nombreuses reprises, la feuille double face qui passe en vente compte parmi les œuvres emblématiques de l'album. Au verso, correspondant à la page 90, le sujet a pour légende « Caricat.s » avec en complément « Le pide cuentas la mujer al marido » (Elle demande des explications à son mari). La scène se veut grotesque. Une femme au profil camus semble accabler de reproches un homme difforme dont le nez a l'aspect d'un sexe. Celui-ci plonge une main dans son habit et l'autre dans l'ouverture de sa culotte. Au-devant, un troisième personnage au visage tout marqué de bêtise, fait de sa main gauche le signe des cornes et révèle ainsi le caractère volage de son compagnon. Œuvre clé, l'album B était représenté dans les collections du Louvre par deux autres pages double face, l'une décrivant une scène de torture (« Es dia de su santo ») et au verso un sujet de caricature (RF 6912), l'autre la terrible image de la vieille femme découpée à la scie (« Parten la vieja ») avec au verso un sujet d'hermaphrodite (RF 6914). L'acquisition de cette troisième page comprenant l'un des tous premiers sujets de sorcellerie connus dans l'œuvre du maître est un enrichissement majeur. (Note du dossier d'acquisition, novembre 2022, Xavier Salmon). Eleanor A. Sayre, « Eight Books of Drawings by Goya - I", Burlington Magazine, janvier 1964, p. 19-30, n° 57 et 58. Pierre Gassier et Juliet Wilson, Vie et œuvre de Francisco Goya, Paris, 1970, p. 160, 162, 174, repr. N° 417-418. Pierre Gassier, Les Dessins de Goya, Les albums, Fribourg, Office du Livre, 1973, notices p. 130 et 131, repr. en N&B p. 89 et 90. Juliet Wilson-Bareau, Goya. La década de los Caprichos. Dibujos et aguafuertes, Madrid, 1992, p. 97, n° 57 et n° 58. Xavier Salmon, « Acquisitions/Arts graphiques. Des sorcières de Goya au Louvre », dans 'Grande Galerie. Le Journal du Louvre', printemps 2023, n°62, p. 32-33, (repr.). Xavier Salmon, Sous l'oeil de Goya : sorcières et femme trompée, La Revue des Musées de France, Revue du Louvre, 2023-3, p. 20-21, fig. 1, p. 21.

INDEX :
Collections : Meurice, Paul
Lieux : Madrid, Museo del Prado, oeuvre en rapport, Paris, Musée du Louvre, département des Arts graphiques, Cabinet des Dessins, oeuvre en rapport
Sujets : caricature - Goya y Lucientes, Francisco de, Album B ou Album de Madrid