Les collections du département desarts graphiques Musée du Louvre
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DELATOUR Maurice Quentin


Ecole française

Portrait de Jean Le Rond d'Alembert ( 1717-1783).

1753

INVENTAIRES ET CATALOGUES :
Cabinet des dessins
Fonds des dessins et miniatures
RF 3893, Recto

LOCALISATION :
Réserve des pastels

ATTRIBUTION ACTUELLE :
DELATOUR Maurice Quentin

TECHNIQUES :
Pastel sur papier bleu marouflé sur toile tendue sur châssis à écharpes. Sur la traverse supérieure du châssis, fragment de papier portant à la plume et encre brune : ufflard. La feuille d'œuvre est plus petite que le châssis et laisse apparaître la toile de marouflage en haut à droite. Pièce de papier ajoutée en bas à droite afin de combler l'angle manquant. Les mesures du cadre sont : H : 00,67 ; L : 00,575 et profondeur : 00,085. Restauré en 2004
H. 00,552m ; L. 00,458m

HISTORIQUE :
Exposé au Salon en 1753 sous le numéro 89 : « M. Dalembert, de l'Académie royale des Sciences, de la Société Royale de Londres, et de celle de Berlin ». En possession du modèle, dans son appartement au palais du Louvre, occupé en qualité de secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences. Le procès-verbal des scellés apposés au Louvre après le décès de D'Alembert en 1783 mentionne : « En exécution de la susdite ordonnance, avons procédé à l'apposition des scellés, et à la description sommaire des meubles et effets en évidence. Dans l'appartement où est décédé ledit sieur d'Alembert, le portrait du deffunt sieur d'Alembert dans son cadre doré » (A.N., section judiciaire V3 94, première pièce. Cité par Gasté, 1896, p. 291-292). Légué par D'Alembert à Marie Jean Antoine Nicolas de Caritat, marquis de Condorcet (1743-1794). Offert avant le 30 mai 1819 par la veuve de ce dernier, Marie-Louise Sophie de Grouchy (1764-1822), à l'architecte Jean-Baptiste Philippe Harou dit le Romain (1761-1822) ou à son fils Romain Harou dit Harou-Romain (1796-1866), puis à leur descendance jusqu'à Daniel Danjon, professeur à la faculté de droit à Caen en 1896. Offert au musée du Louvre en 1910 par Daniel Danjon, avec le plein assentiment de sa femme, de sa fille et de son gendre Paul Lavalley, en mémoire de son fils René Danjon (A.L.,D8 1910, 21 novembre). Comité consultatif des musées nationaux du 27 octobre 1910, décret du 21 novembre 1910. Restauré en 2004 (décadrage, dépoussiérage de la toile de marouflage). Nouvelle restauration en 2017 (nouveau dépoussiérage de la toile de marouflage, consolidation des déchirures, réencadrement et protection dans une boîte en carton de conservation).
Dernière provenance : Danjon, Daniel Romain Numa
Mode d'acquisition : don
Année d'acquisition : 1910


COMMENTAIRE :
Ce pastel exposé au Salon de 1753, fut ensuite gravé par Hopwood et par Maviez en 1753. Le Musée du Louvre possède également une miniature qui reprend les motifs de ce pastel, INV 35245. (Geneviève Monnier, Inventaire des Collections Publiques Françaises, Pastels des XVIIe et XVIIIe siècles, Musée du Louvre, 1972, n° 73). Voir : 'Revue de l'Art Ancien et Moderne' Paris, 1er janvier 1911, article de M. Tourneux. Légué par d'Alembert à Condorcet et donné par Madame de Condorcet à Jean Romani. Offert au Louvre en mémoire de René Daujon, arrière petit fils de J. Romani. Neil Jeffares donne ce pastel à Maurice-Quentin de La Tour, portrait de Jean Le Rond d'Alembert (1717-1783), secrétaire perpétuel de l'Académie française (Dictionary of pastellists before 1800, Londres, 2006, p. 282). Le pastel a été gravé par Jacques Fabien Gautier dit Gautier-Dagoty père (1772), N. F. Maviez (1788) et Pierre Michel Alix (1797). Il a fait l'objet au XVIIIe siècle de deux copies peintes à l'huile. L'une a été offerte par l'Académie française en 1839 au château de Versailles (huile sur toile, 0,63 × 0,52 m. Inv. MV 2995). Elle est déposée à l'Institut de France (Constans, 1995, I, p. 538, no 3051, repr.). L'autre (huile sur toile,0,645 × 0,545 m), attribuée à La Tour, a figuré à la vente du château d'Azay-le-Rideau à la galerie Georges Petit à Paris les 13 et 14 mai 1901 (lot 85), puis à la vente de Marius Paulme à nouveau à la galerie Georges Petit le 22 novembre 1923 (lot 58, repr. pl. XXII), puis à la vente Esders à l'hôtel Drouot à Paris le 28 mai 1941 (Me Ader, lot 13). Le musée du Louvre conserve également une miniature attribuée à l'école française de la fin du XVIIIe siècle reprenant la composition (Inv. 35245). Besnard et Wildenstein citent enfin en 1928 (p. 132) un autre portrait de D'Alembert sans indication ni de procédé ni de dimensions, passé à l'encan lors de la vente E..., le 3 novembre 1832, lot 19. Nous ne pouvons assurer que cette œuvre reprenait le pastel de La Tour. Au sujet des préparations régulièrement associées au pastel du Louvre, seule celle Quentin (inv. LT13. 0,32 × 0,21 m) doit être considérée comme préparatoire. Souvent associée au nom de D'Alembert, l'autre préparation conservée dans le fonds d'atelier (inv. LT42. 0,32 × 0,24 m) et son étude à la pierre noire, craie blanche et rehauts de pastel (0,279 × 0,229 m. Besnard et Wildenstein, 1928, p. 176, no 600, repr. pl. CXIV, fig. 222. Conservée en avril 2002 à la galerie Wildenstein à New York) ne figurent pas D'Alembert. Le modèle a les yeux bleus. Ceux de l'encyclopédiste étaient marron. Pastel exposé aile Sully, 2ème étage, salle 45. Révéler le sel de l'esprit. Ce fut là le but continuel de Maurice Quentin de La Tour et il y parvint non sans difficulté. Le 1er août 1763, l'artiste s'en ouvrait au marquis de Marigny, estimant qu'il y avait une différence entre ceux qui travaillaient par routine et se contentaient d'un à-peu-près et ceux qui voulaient sérieusement imiter la nature dans un beau choix : « Que d'attentions, que de combinaisons, que de recherches pénibles pour conserver l'unité de mouvements malgré les changements que produit sur la phisionomie et dans les formes la succession des pensées et des affections de l'âme ! C'est un nouveau portrait à chaque changement ; et l'unité de lumière qui varie et fait varier les tons de couleurs suivant le cours du soleil et le temps qu'il fait ! Ces altérations sont d'autant plus perfides qu'elles arrivent insensiblement. Un homme dévoré de l'ambition de son art est bien à plaindre d'avoir à combattre tant d'obstacles. « Le pastel, Monsieur le Marquis, en fournit encor d'autres, tels que les poussières, la foiblesse de certaines couleurs. Jamais un ton juste, être obligé de faire les teintes sur le papier et de donner plusieurs coups avec différens crayons au lieu d'un, risquer d'altérer le mérite de la touche et de n'avoir point de ressource si l'esprit en est ôté. A l'huile, les teintes se font au bout de pinceau, la touche reste pure,et quand on a le malheur d'avoir gâté son ouvrage, il est facile, en effaçant sa faute, de retrouver ce qui était dessous.« Les gens délicats sont blessés d'un tableau dont le point de distance est près et n'a pas au moins vingt-cinq pieds. Partant de ce principe,quel embarras pour une vûe courte et foible, forcée d'être à deux ou trois pieds du modelle, obligée de se hausser et baisser à mesure, de tourner à droite, à gauche, pour tâcher d'appercevoir de près ce qu'on peut voir bien que de loin ! « Il faudroit être à ma place pour sentir les efforts que je fais pour mettre une figure et une teste ensemble dans les règles de la perspective. Les angles sont si courts que la personne qu'on peint de près ne peut pas regarder de ses deux yeux à la fois l'œil du peintre. Ils vont et viennent sans être jamais ensemble. C'est pourtant de leur parfait accord que résulte l'âme et la vie du portrait. De la naissent les inquiétudes qui occasionnent tant de changements qu'ils font passer le malheureux peintre pour fou ou tout au moins capricieux, fantasque...» (cité par Besnard et Wildenstein, 1928, p. 64-65). Précieuse confession de la difficulté de peindre le portrait au pastel, les mots de La Tour passaient sous silence les affinités d'esprit qui pouvaient être partagées et donnaient à l'effigie davantage de présence et de vie. L'image de Jean Le Rond d'Alembert nous semble en cela exemplaire. Fils naturel de Claudine Guérin de Tencin, qui s'illustra à partir de 1733 comme salonnière, et très certainement du duc d'Arenberg, Jean avait été abandonné par sa mère sur les escaliers de la chapelle Saint-Jean-le-Rond, attenante à la tour nord de la cathédrale Notre-Dame à Paris et dont il reçut le prénom et le nom. Grâce à son père, il fut cependant placé dans une famille d'adoption et reçut une éducation soignée qui lui permit de s'illustrer dès 1739,à l'âge de vingt et un ans, en présentant à l'Académie des sciences son premier travail en mathématiques, corrigeant une erreur de l'ouvrage de Charles René Reynaud, l'Analyse démontrée, publié en 1708. Dès 1741, D'Alembert entrait à l'Académie des sciences, et deux ans plus tard publiait son Traité de dynamique. À vingt-huit ans, il était également reçu à l'Académie de Berlin. À partir de 1747, il s'était associé avec Denis Diderot afin de publier l'Encyclopédie, dont le premier volume parut en 1751 et dont il rédigea le discours préliminaire. En 1753, ou peu avant, La Tour fixait donc les traits d'un homme connu pour son esprit, ses idées et sa plume. Dès la préparation, aujourd'hui conservée au musée Antoine-Lécuyer à Saint-Quentin (Inv.LT13), le maître sut saisir toute l'intelligence de son modèle. À l'aide de cette étude peinte sur le vif, il peignit ensuite le pastel abouti, faisant le choix de modifier l'orientation du regard. Exposée au Salon de 1753 avec dix-sept autres pastels de Maurice Quentin de La Tour, l'œuvre compta parmi celles qui furent le plus remarquées. Élie Catherine Fréron en loua la ressemblance (Lettres sur quelques écrits de ce tems, XI, 1753, p. 190). Le baron Frédéric Melchiorvon Grimm en salua le caractère surprenant et révéla dans sa correspondance (cité par Besnard et Wildenstein, 1928, p. 57) que Marmontel lui avait dédié les vers suivants : « À ce front riant, dirait-on Que c'est là Tacite ou Newton ? » La Font de Saint-Yenne s'émerveilla de l'amour et du zèle que l'artiste développa pour l'honneur de la nation en ajoutant à l'immortalité des écrits de ces auteurs illustres celle de leurs portraits,qui transmettaient à la postérité l'esprit de leurs physionomies et la vie de leurs traits (Sentiments sur quelques ouvrages de peinture, sculpture et gravure [au Salon de 1753], écrits à un particulier en province, 1754,p. 159, cité ibid., p. 56). Enfin, l'abbé Jean-Bernard Le Blanc souligna le talent de rendre non seulement la ressemblance des traits, mais jusqu'au caractère d'esprit. Les portraits de Duclos, de Nivelle de La Chaussée, de La Condamine et de D'Alembert étaient ainsi tout emplis de cette vie qui étonnait toujours, beaucoup de peintres ayant l'art de faire ressembler, bien peu ayant le talent de faire avec peu de couleurs que l'âme soit en quelque sorte visible. Ici la science de l'art ne suffisait plus, il n'appartenait qu'au génie d'opérer de si grandes merveilles ! (Observations sur les ouvrages de MM. de l'Académie de peinture et de sculpture exposés au Salon du Louvre en l'année 1753 et sur quelques écrits qui ont rapport à la peinture, à M. le président de B***, 1753, cité ibid., p. 55) (Xavier Salmon, Pastels du musée du Louvre XVIIe -XVIIIe siècles, Louvre éditions, Hazan, Paris, 2018, cat. 92, p. 193-195). neiljeffares.wordpress.com/2018/07/12/the-louvre-pastels-catalogue-errata-and-observations, n° 92.

INDEX :
Collections : Danjon, Daniel Romani Numa
Lieux : Paris, Musée du Louvre, oeuvre en rapport
Personnes : Alembert, Jean Le Rond d' - Condorcet, marquis de - Romani, Jean - Hopwood, oeuvre en rapport - Maviez, N. F., gravure en rapport
Sujets : portrait
Techniques : papier gris-bleu - pastel

REFERENCE DE L'INVENTAIRE MANUSCRIT :
vol. 20, p. 146