Les collections du département desarts graphiques Musée du Louvre
Mise à jour de la fiche 28/04/2022 Attention, le contenu de cette fiche ne reflète pas nécessairement le dernier état du savoir.

LIOTARD Jean Etienne


Ecole suisse

Portrait de Madame Jean Tronchin, née Anne de Molesnes ( 1684-1767).

1758

INVENTAIRES ET CATALOGUES :
Cabinet des dessins
Fonds des dessins et miniatures
RF 38992, Recto

LOCALISATION :
Réserve des pastels

ATTRIBUTION ACTUELLE :
LIOTARD Jean Etienne

TECHNIQUES :
Pastel sur parchemin tendu sur châssis. Signé et daté en bas à droite au pastel rouge : par J. E. Liotard / 1758. Annotation vraisemblablement autographe au verso, anciennement sur le carton de protection : Anne Molesnes née à Lion le IX aoust 1684 baptisée à l'Eglise réformée de St. Romain. Femme de Jean Tronchin ancien Cons.er d'Etat, peinte par Mr. Jean Etienne Liotard, à Geneva au mois d'aoust 1758 âgée de septante quatre ans. Mesures du cadre: H : 00,92; L : 00,765 et profondeur : 00,095.
H. 00,636m ; L. 00,506m

HISTORIQUE :
Jean Tronchin (1672-1761), conseiller d'État de la République de Genève,puis par descendance dans la collection Tronchin jusqu'à Christiane Tronchin, marquise de Hillerin, château de Bessinge à Cologny, 1948. Acquis par Xavier Givaudan (1867-1966) chez qui il est cité en 1959,Genève. André Givaudan, 1974. Léon Givaudan, Paris. Vendu par ce dernier à Colnaghi, Londres, 1982. Galerie Stair Sainty Matthiesen à Londres. Acquis par le musée du Louvre en 1982. Restauré en 2015 en procédant à un dépoussiérage de l'arrière, en refixant le parchemin sur le châssis dans les zones de faiblesse, en supprimant les quelques mycéliums.
Dernière provenance : Galerie Colnaghi
Mode d'acquisition : achat
Année d'acquisition : 1982


COMMENTAIRE :
Anne de Herdt, Liotard : entre portrait de cour et portrait bourgeois, p. 75-101, repr. p. 94, dans De soie et de poudre. Portraits de cour dans l'Europe des lumières, sous la dir. de Xavier Salmon, Actes Sud, Château de Versailles, 2003. Neil Jeffares donne ce pastel à Jean-Etienne Liotard, portrait de Mme Jean Tronchin, née Anne de Molènes (1684- ) (Dictionary of pastellists before 1800, Londres, 2006, p. 350). Après des décennies à l'étranger, Liotard aspira à plus de quiétude. À l'été 1756, il épousait à Amsterdam Marie Fargues, de plus de vingt ans sa cadette, et l'année suivante le jeune couple s'installait définitivement à Genève. Seul un nouveau séjour à Vienne le conduisit en 1762 quelques mois hors de sa ville natale. Précédé de son exceptionnelle réputation, l'artiste n'éprouva aucune difficulté à s'attacher la clientèle genevoise, en particulier celle de la famille Tronchin. Solidement implantée sur les rives du lac Léman après avoir quitté Troyes au lendemain de la Saint-Barthélemy, cette dynastie s'illustra en donnant à la ville des magistrats, des pasteurs, des médecins et des banquiers. Membre du Petit Conseil de la République de Genève, où il siégea à partir de 1753, François Tronchin (1704-1798) fut le premier à solliciter Liotard dès 1757. Après plusieurs années passées à Paris, où il avait porté sans beaucoup de succès les activités financières de la banque familiale, il avait joué un rôle important dans la vie civique genevoise et s'était particulièrement distingué comme amateur et collectionneur. C'est d'ailleurs en tant que tel que Liotard le représenta dans son cabinet, arborant l'habit noir et la lourde perruque de la fonction officielle, mais surtout paraissant assis devant une table chargée d'instruments de mathématiques, de dessins, de papiers de musique, d'un livre relié, à proximité de l'un des joyaux de sa collection de peintures, la jeune femme au lit peinte par Rembrandt. De faibles dimensions (0,375 × 0, 46 m), le pastel (Cleveland Museum of Art, inv. 1978.54. Roethlisberger et Loche, 2008, t. I, p. 503-507,no 349, repr. t. II, fig. 499) frappa les membres de la famille Tronchin par ce « fini précieux » et cet « effet admirable » que soulignait le modèle dans le catalogue de sa première collection publié en 1765. Peu après, Liotard fixait en 1758 les traits de l'épouse de François Tronchin, née Anne-Marie Fromaget (Genève, musée d'Art et d'Histoire,inv. 1985-42, dépôt de la fondation Jean-Louis Prevost. Ibid.,t. I, p. 507-508, no 350, repr. t. II, fig. 503). D'une famille toilière et drapière protestante originaire de Saint-Quentin, elle était la fille du directeur de la Compagnie des Indes, Vincent Pierre Fromaget, et de Louise René Dargent. Liotard l'avait représentée en frileuse, les mains dans un manchon de plumes couleur « ventre d'ibis », une bagnolette de satin ivoire bordée de marte, la cape mise sur la tête, noué d'un ruban de même ton que le manchon. La même année, il livrait également un autre pastel tout en retenue psychologique. Il s'agissait du portrait d'Anne Tronchin, née Molènes, épouse de Jean Tronchin (1672-1761), membre du Conseil des Deux-Cents en 1698, procureur général de 1718 à 1723, puis de 1734 à 1738, conseiller d'État en 1730, soit l'un des bourgeois les plus influents de Genève, dont Liotard fixa les traits en 1759 (Collection privée. Ibid., t. I, p. 512, no 358,repr. t. II, fig. 509). Sur leurs deux portraits, la tante et l'oncle de François Tronchin ne faisaient preuve d'aucune ostentation, révélant par là même toute l'austérité qu'ils s'étaient imposée dans leur mode de vie. Le portrait d'Anne Tronchin, unique pastel de Liotard conservé au Louvre, est ainsi traité tout en intériorité, cherchant à donner une image sans fard, mais avec une exceptionnelle acuité psychologique, de cette patricienne protestante réfugiée dans l'idéal calviniste. Avec délicatesse, le pastelliste joue du contraste entre la carnation parcheminée et la transparence de la pèlerine de dentelles noires à capuchon laissant apparaître et transparaître le bonnet tuyauté, la palatine de dentelles blanches et le haut bleu de la robe. Suivant une pratique habituelle, il avait aussi joué de la transparence du parchemin en soulignant au verso d'un trait de pastel sombre les sourcils, les paupières, le coin des yeux, les narines et la commissure des lèvres. Ainsi, sur la face avant, ces éléments s'en trouvaient-ils renforcés. Le regard tourné vers la droite, un léger sourire animant sa bouche, Anne Tronchin manifeste une bienveillance que Liotard a magnifiquement su saisir et que confirment les archives. Ainsi que le révèle son testament du 21 mai 1763, homologué le 5 janvier 1768 (cité par Jacques Augustin Galiffe dans ses notices généalogiques sur les familles genevoises, 3 tomes, Genève, 1831-1836), elle avait nommé héritiers à parts égales chacun de ses deux fils, l'aîné Jean-Robert, qui fut l'ami de Montesquieu et l'auteur des « Lettres écrites de la campagne » justifiant les décrets de la République de Genève contre L'Émile et Le Contrat social de Rousseau, et le cadet Jacob. Elle avait également institué ses deux filles Anne et Susanne héritières particulières de 28 000 livres courantes chacune. Enfin, son frère Isaac Molènes étant décédé ab intestat, Anne avait donné 6 000 livres courantes de sa hoirie aux établissements de charité (Xavier Salmon, Pastels du musée du Louvre XVIIe -XVIIIe siècles, Louvre éditions, Hazan, Paris, 2018, cat. 99, p 210-211). neiljeffares.wordpress.com/2018/07/12/the-louvre-pastels-catalogue-errata-and-observations, n° 99.

INDEX :
Personnes : Molesnes, Anne de - Tronchin, Anne
Sujets : portrait
Techniques : pastel - vélin

REFERENCE DE L'INVENTAIRE MANUSCRIT :
vol. 30, p. 176