Les collections du département desarts graphiques Musée du Louvre
Mise à jour de la fiche 11/10/2021 Attention, le contenu de cette fiche ne reflète pas nécessairement le dernier état du savoir.

BALDUNG Hans


Ecole allemande

Sorcières

Vers 1514

INVENTAIRES ET CATALOGUES :
Cabinet des dessins
Fonds des dessins et miniatures
RF 1083, Recto

Numéros de catalogue :
Allemands A35

LOCALISATION :
Petit format

ATTRIBUTION ACTUELLE :
BALDUNG Hans

PROPOSITIONS D'ATTRIBUTIONS :
Copie d'après BALDUNG Hans
Parker, Karl Theodore, 1924

TECHNIQUES :
Collé en plein sur un montage ancien Plume et encre noire, rehauts de gouache blanche sur papier préparé vert-bleu H. 28,9 ; L. 20 cm Monogrammé HGB en bas à droite
H. 00,280m ; L. 00,197m

HISTORIQUE :
Jacques Édouard Gatteaux (1788-1881), marque en bas à droite (L. 852) ; legs au musée du Louvre en 1881.
Dernière provenance : Gatteaux, Jacques Edouard
Mode d'acquisition : legs
Année d'acquisition : 1881


COMMENTAIRE :
K.T. Parker, en 1924, met en doute l'autographie du dessin, qu'il considère plutôt comme une copie d'après Baldung à cause du "trop peu de sûreté" de son exécution ; il pourrait même s'agir d'une "second copie, faite d'après celle d'Urs Graf conservée à l'Albertina de Vienne". Voir la gravure 784 LR. et le dessin INV 18867. « Au début des Temps modernes, chacun était convaincu qu'il existait des sociétés secrètes dont les participants, hommes et femmes mus par le diable, se livraient a des actes de violence. C'est ce type de complot qui est représenté dans Le Départ pour le sabbat exécuté en 1506 par Altdorfer, ou l'on voit a l'orée d'une forêt un groupe de femmes au regard mauvais, nues pour la plupart ; leurs mouvements paroxystiques les font tomber en transe avant de leur permettre finalement de prendre la voie des airs. Différents attributs témoignent du caractère répréhensible de leurs agissements: les quenouilles déposées au fond à droite, le crâne d'un animal, le couvercle lié aux pratiques alchimistes et la fourche, qui va bientôt permettre à la sorcière du milieu, celle qui a le bras gauche tendu, de se propulser dans les airs. Cette dernière ainsi que celle de gauche portent une bourse a la ceinture, un privilège réservé aux citadines1 et qui révèle l'omniprésence des femmes capables de pactiser avec le diable, un danger quotidien jusqu'au coeur des foyers. Environnées de volutes de vapeur et de fumée, leurs sœurs chevauchent des boucs au moment de prendre leur envol. Elles s'éloignent ainsi de la ferme représentée en arrière-plan, à gauche entre les buissons, qui symbolise un monde humain censé être synonyme de sécurité, tandis que les femmes restées à terre se félicitent en jubilant a la perspective du malheur à venir. Pour le fond de cette feuille en clair-obscur, Altdorfer a choisi un brun rouge en contraste avec les nuances en noir et blanc du dessin, ce qui lui permet d'amener la fureur, la violence et l'énergie de la scène a un paroxysme d'exaltation bruyante. Ce dessin d'Altdorfer fait suite aune gravure de Dürer qui s'était déjà intéressé au même sujet avec ses Quatre sorcières2, des sorcières dont il ne présentait pas les débordements éhontés, préférant mettre en avant leurs avantages charnels. Mais avec la Sorcière chevauchant un bouc avec quatre angelots3, une gravure exécutée en 1500, le même Dürer ose aborder lui aussi les excès a la fois redoutés et fascinants attribués aux liaisons contre nature avec le démon, tels qu'ils sont décrits en mots et en images dans les traités de criminologie du Moyen Âge tardif4. A noter qu'Altdorfer ne se préoccupe pas comme Dürer de reproduire le corps féminin avec exactitude. Quant à la référence aux Bacchanales de Mantegna, dont l'influence serait évidente dans la position et le geste de la sorcière du milieu5, elle n'est guère convaincante. L'oeuvre de Hans Baldung Grien Les Sorcières se présente semble-t-il comme une suite à la scène dépeinte par Altdorfer près d'une décennie plus tôt : si les quatre sorcières, un enfant et un chat sont représentés en train de festoyer, l'ambiance est étrange, car dénuée de communication entre les protagonistes, qui semblent absentes, comme droguées. Une femme est assise sur le sol et, négligeant son grimoire de magie posé à côté d'elle, elle utilise une bougie pour mettre le feu aux puissantes flatulences qui émanent de ses entrailles. De la gueule du chat s'échappent aussi des gaz enflammé sou des vomissures. Dans le dos de la sorcière assise se tient la deuxième larronnesse, qui, de ses bras tendus, présente avec adresse un plateau d'ossements humains, tandis que la troisième, cheveux flottant encore au vent, revient à peine de la chevauchée qu'elle n'a pas craint d'entreprendre en compagnie de l'enfant tout juste descendu de la fourche posée devant elle. Comme autant de trophées sont suspendues une amulette magique avec des dés et une tête de mort miniature dans laquelle la femme aux flatulences introduit deux doigts de sa main droite levée. La doyenne de l'assemblée pose des saucisses évoquant clairement des attributs masculins sur le bâton qui lui a servi de monture et qu'elle glisse entre les jambes de la sorcière debout, dans une parodie de castration. Baldung donne ici la préférence au type de la femme bien en chair qu'il a toujours privilégié: toute l'image est en effet dominée par des corps aux formes épanouies. Le fond est traité dans un ton vert-bleu froid qui fait peser une étrange chape de plomb sur cette scène pour le moins turbulente. Cependant, à la suite des frottements imposés a sa surface, la feuille a quelque peu perdu la richesse des contrastes existant à l'origine. (1.Voir Albrecht Dürer Nurembergeoise en robe d'intérieur, 1500, Vienne, Albertina, inv. 3071 ; voir Vienne 2019-2020, no 70 et p. 182-183. 2. Schoch, Mende et Scherbaum 2001-2004, I, no 17. 3. Schoch, Mende et Scherbaum 2001-2004, I, no 28. 4. Voir les sept illustrations gravées sur bois dans Ulricus Molitoris, De lamiis et phitonicis mulieribus, Reutlingen, vers 1489. 5. Voir Berlin et Ratisbonne 1988, p. 34. 6. La copie exécutée a l'époque par Urs Graf et conservée a l'Albertina, Vienne, inv. 3048, a été faite sur un papier préparé d'un brun chaud) » (C. Metzger, 2020) Bibliographie : Térey, "Die Handzeichnungen des Hans Baldung Grien", Strasbourg, 1894-1896, pl. 249) K.T. Parker, "Quelques dessins de Hans Baldung à Paris" in 'Archives alsaciennes d'histoire de l'art', 3e année, 1924, p.16 L. Demonts, 'Inventaire général des dessins du Nord. Écoles allemande et suisse', I, Paris, 1937, n° 35 F. Winzinger, 'Albrecht Altdorfer Zeichnungen, Gesamtausgabe', Munich, 1952, no 2 L. Wiederkehr in 'Dessins de Dürer et de la Renaissance germanique' (Paris, musée du Louvre, 1991-1992), Paris, 1991, n° 130 'Hexenlust und Sündenfall. Die seltsamen Phantasien des Hans Baldung Grien' (Francfort, Städel Museum, 2007), cat sous la dir. de Bodo Brinkmann, Petersberg, 2007, no 4 C. Metzger in 'Hans Baldung Grien sacré / profane', H. Jacob-Friesen, J. Carrasco, J. Scherrer, cat. exp. Karlsruhe, Staatliche Kunsthalle, 30 novembre 2019 - 8 mars 2020, Berlin - Munich, 2019, sous le n° 159 (copie de Urs Graf) S. Söll-Tauchert in 'Hans Baldung Grien sacré / profane', H. Jacob-Friesen, J. Carrasco, J. Scherrer, cat. exp. Karlsruhe, Staatliche Kunsthalle, 30 novembre 2019 - 8 mars 2020, Berlin - Munich, 2019, voir les n°152-161, pp. 316-331 C. Metzger in 'Albrecht Altdorfer. Maître de la Renaissance allemande', Hélène Grollemund, Olivia Savatier Sjöholm, Séverine Lepape, cat. exp. Paris, musée du Louvre, 1er octobre 2020 - 4 janvier 2021, Paris, 2020, n° 15b, pp. 80-81, repr. p. 81

INDEX :
Collections : Gatteaux, Jacques Edouard
Lieux : Paris, Bibliothèque Nationale, département des Etampes et de la Photographie, oeuvre en rapport, Karlsruhe, Staatliche Kunsthalle, oeuvre en rapport, Vienne, Albertina, Graphische Sammlung, oeuvre en rapport, Nuremberg, Germanisches National Museum, oeuvre en rapport, Paris, Musée du Louvre, département des Arts graphiques, Cabinet des Dessins, oeuvre en rapport, Strasbourg, musées de la Ville de Strasbourg, Cabinet des estampes et des dessins, oeuvre en rapport
Sujets : sorcière
Techniques : encre noire - rehauts de blanc - papier préparé en bleu-vert - plume

REFERENCE DE L'INVENTAIRE MANUSCRIT :
vol. 19, p. 91