Les collections du département desarts graphiques Musée du Louvre
Mise à jour de la fiche 25/08/2023 Attention, le contenu de cette fiche ne reflète pas nécessairement le dernier état du savoir.
Gravé par

CRANACH Lucas le Vieux


Ecole allemande

Saint Christophe

Epreuve de lla 2nde moitié du XVIe siècle

Estampe

ETAT :
Épreuve du 2e état

TECHNIQUES :
gravure sur bois - clair-obscur à deux planches

INVENTAIRES :
Collection Edmond de Rothschild
809 LR/ Recto

Anciens numéros d'inventaire :
1161

LOCALISATION :
Réserve Edmond de Rothschild, petit format

ATTRIBUTION ACTUELLE :
Gravé par CRANACH Lucas le Vieux

TECHNIQUES ET DIMENSIONS :
Gravure sur bois, 1 pl. de trait noir, 1 pl. de teinte grise. Inscription gravée : LC. État II/II
Dimensions à la feuille : H. 00,286m ; L. 00,203m
Dimensions au trait carré : H. 00,285m ; L. 00,202m

HISTORIQUE :
Jean Mariette (1660-1742), Paris, inscription au verso : Jmariette, semblable à L. 1786a ; Franz Gawet (1765-1847), Vienne, inscription au verso en haut à gauche : F.Gawet 1807, semblable à L. 1069 ; achat auprès de Gutekunst, sans date : peut-être 1907, vente Stuttgart, 13-17 mai, n° 222 ; baron Edmond de Rothschild (1845-1934) ; don au musée du Louvre en 1935. Œuvre conservée dans le portefeuille n°51 du baron Edmond de Rothschild jusqu'en 2016.
Dernière provenance : Rothschild, baron Edmond de
Mode d'acquisition : don
Année d'acquisition : 1935

COMMENTAIRE :
La date de 1506 inscrite sur le cartouche avec les initiales de l'artiste (épreuve BnF Réserve CA-9 (A) FOL) a fait l'objet de bien des commentaires car elle constitue un élément fondamental pour déterminer qui, de Cranach ou de Burgkmair, a été le premier à produire une estampe en couleurs en feuille. Si elle était exacte, elle ferait de Cranach le premier à avoir mis au point une planche de teinte pour apporter de la couleur à une gravure lors de l'impression, puisque les estampes de Maximilien Ier et de Saint Georges de Burgkmair imprimées à l'or et à l'argent puis avec une planche de couleurs datent de 1508. Or Flechsig puis à sa suite Dodgson ont souligné l'incohérence entre cette date et la présence du serpent ailé comme élément de signature, lequel n'intervient chez Cranach qu'à partir du 8 août 1508, tout comme les armoiries sable en chef. Certains historiens ont supposé que le bois de teinte avait été ajouté a posteriori sur le bois de trait daté de 1506. Mais cette hypothèse ne tient pas, car elle n'explique pas pourquoi cohabitent sur la même planche de trait deux éléments incompatibles, la date de 1506 et la signature du serpent ailé. De plus, une analyse attentive porte à croire que l'estampe a été conçue dès le départ pour être en couleurs : le bois de teinte complète harmonieusement la planche de trait, dont le ciel et les rochers à droite auraient sans cela paru vides et sans relief. Ainsi, l'idée que Cranach aurait volontairement falsifié et antidaté l'estampe du Saint Christophe, comme l'autre gravure en couleurs représentant Vénus et Cupidon, s'est-elle progressivement imposée. Le Saint Christophe et la Vénus datent donc vraisemblablement de 1509, comme Le Repos pendant la fuite en Égypte, comportant quant à elle la date de 1509. Ces trois estampes ont d'ailleurs en commun la disposition des blancs laissés en réserve sur le papier, le style et le format. L'hypothèse selon laquelle elles auraient été imprimées ensemble en édition est tout à fait vraisemblable. En gravant la date de 1506 sur le bois de trait, Cranach souhaitait donc convaincre ses contemporains qu'il était le premier dans la course à l'invention de l'estampe en clair-obscur. Si la date a bien été falsifiée, on ne peut cependant contester l'intérêt précoce que Cranach a nourri pour le dessin sur papier coloré, qu'il a pratiqué dès 1502-1503, et le fait qu'il soit bien le premier à exécuter en 1507 une gravure imprimée à l'or sur papier teinté, le célèbre Saint Georges. En outre, rien n'indique que la planche de teinte de L'Empereur Maximilien et du Saint Georges de Burgkmair, qui s'est substituée à un moment indéterminé à la planche imprimée en or et ou en argent, date réellement de 1508, car cette date est présente sur le bois de trait et non sur la planche de teinte. La falsification de Cranach serait-elle une réponse outrée au fait que son concurrent d'Augsbourg antidate l'impression de ses deux gravures en couleurs, en utilisant des bois de trait datés de 1508 ? En l'état actuel de nos connaissances, il serait imprudent de l'affirmer, d'autant qu'aucune des épreuves en clair-obscur du Saint Christophe que nous avons pu observer ne comporte de filigrane, nous privant d'un élément essentiel pour aider à dater les tirages plus précisément. Les épreuves en couleurs avec la date de 1506 (premier état) sont rares -une dizaine-, la plupart en marron orange, fait à partir d'un oxyde de fer, et plus rarement en gris, mélange de noir de carbone et de blanc de plomb. L'estampe a été imprimée à de nombreuses reprises sans le bois de teinte dès le premier état, sans doute parce qu'il existait un public qui souhaitait colorier lui-même son épreuve. À un moment indéterminé (probablement à la reprise par Lucas le Jeune de l'atelier de son père), la date sur la planche du bois de trait a été ôtée et une nouvelle planche de teinte gravée, reconnaissable entre autres à la petite taille en oblique sur le genou du saint (état II). Entre ces deux moments, retenus par la littérature pour classer les épreuves du Saint Christophe en deux états, il y eut quelques étapes. En témoigne une épreuve vendue en 1929, aujourd'hui non localisée (Vente 'Kupferstichsammlung Schloss E...', 6-8 mai 1929,Berlin, Hollstein & Puppel, cat. X LI, lot 208), qui comporte le bois de trait sans la date de 1506 et le bois de teinte correspondant au premier état. Le bois de trait n'apparaît pas endommagé, car on ne note quasiment pas de cassures, ce qui indiquerait une impression intermédiaire entre les deux états, au tout début quand l'atelier de Cranach le Jeune a déjà ôté la date du bois de trait, mais avant qu'il n'ait refait un nouveau bois de teinte. Parallèlement à ce second état, le bois de trait continua d'être imprimé seul, accompagné de différents textes dévotionnels datés de 1554, 1556 ou 1560, attestant la longévité extraordinaire de l'image. Les analyses de l'encre grise du premier et second état ont démontré que les mêmes pigments avaient été employés et qu'il n'y a donc pas eu de rupture de savoir-faire entre ces deux moments. Le mélange n'étant pas difficile à faire, on pouvait le reproduire sans être un initié, et si c'est bien à Cranach le Jeune que reviennent les tirages du second état, il avait sans doute connaissance de la recette des pigments employés du temps de son père. Au reste, on constatera que la palette choisie pour imprimer en couleurs le second état (gris ou marron orange) est la même que pour les épreuves du premier état, ce qui appuie l'idée que l'atelier qui reprenait les bois de Cranach l'Ancien souhaitait se situer dans sa continuité. (Séverine Lepape, dans cat. expo. 'Gravure en clair-obscur Cranach, Raphaël, Rubens', Musée du Louvre, Paris, 17 octobre 2018 - 14 janvier 2019, n° 3 b, p.46 à 49). Bibliographie : Bartsch, 1808, t. 7, n° 58, p. 283 ; Lippmann, 1895 ; Flechsig, 1900, p. 27-38 ; Dodgson, 1911, t. 2, n° 61, p. 295-296 ; Reichel, 1926, p. 52 ; Hollstein German, 1959, t. 6, no 79 ; Strauss, 1973, n° 4, p. 8-9 ; Hébert, 1982, no 887 ; Stogdon, 1991, n° 23 ; Landau et Parshall, 1994, p. 191-198 ; Kemmer, dans cat. exp. Brunswick, 2003-2004, p. 15-18, nos 8 à 12 ; Kunz, dans cat. exp. Bruxelles et Paris, 2011, n° 51 à 53, p. 134-135 ; Gnann, dans cat. exp. Vienne, 2013-2014, nos 5 et 6 (avec bibliographie complète) ; Gnann, dans cat. exp. Londres, 2014, p. 30, fig. 3 ; Savage et Stijnman, dans cat. exp. Düsseldorf, 2017, p. 60-61, 63-65. Kilian Laclavetine & Séverine Lepape, "L'Analyse non destructive d'un corpus d'estampes en couleurs du nord de l'Europe (XVIe - XVIIe siècles" in Grande Galerie, Hors-série, La recherche au Louvre en 2017, mai 2018, pp. 96-105.

INDEX :
Collections : Mariette, Jean - Gutekunst - Gaw, Franz
Personnes : Christophe, saint - Cranach, Lucas, le Jeune, oeuvre en rapport
Sujets : Saint Christophe portant l'Enfant

REFERENCE DE L'INVENTAIRE MANUSCRIT :
vol. 1, p. 42