Les collections du département desarts graphiques Musée du Louvre
Mise à jour de la fiche 04/09/2023 Attention, le contenu de cette fiche ne reflète pas nécessairement le dernier état du savoir.

DELATOUR Maurice Quentin


Ecole française

Portrait de Marie-Josèphe de Saxe, dauphine ( 1731-1767).

INVENTAIRES ET CATALOGUES :
Cabinet des dessins
Fonds des dessins et miniatures
INV 27623, Recto

Anciens numéros d'inventaire :
NIII34841

LOCALISATION :
Réserve des pastels

ATTRIBUTION ACTUELLE :
DELATOUR Maurice Quentin

TECHNIQUES :
Pastel sur papier. Les mesures du cadre sont : H : 01,00 ; L : 00,745 et profondeur : 00,085. Restauré en 2004. La restauration de cette œuvre a été rendue possible grâce au soutien des American Friends of the Louvre en 2012.
H. 00,657m ; L. 00,544m

HISTORIQUE :
Le 1er août 1763, La Tour adresse à Marigny un état de ses portraits peints de la famille royale. Il indique à cette occasion que les portraits de Mme la Dauphine et Mgr le duc de Bourgogne ont été commencés en 1756 et finis en 1760 (cité par Besnard et Wildenstein, 1928, p. 65-66). Il faut reconnaître dans le portrait de la Dauphine celui aujourd'hui conservé au musée du Louvre. Exposé au Salon de 1761 sous le numéro 47 : « Plusieurs tableaux en pastel sous le même numéro ». Gabriel de Saint-Aubin trace alors un croquis de l'oeuvre sur son exemplaire du livret du Salon (repr., ibid., pl. LXX, fig. 264 et 265). Très certainement conservé ensuite dans les magasins de la Surintendance à Versailles. Peu avant le 11 juillet 1778, à la demande de Louis XVI, Jeaurat fait apporter le pastel dans l'appartement du souverain à Versailles avec celui peint par Alexandre Roslin figurant son père, le Dauphin (A.N., O1 1934B). Les deux œuvres sont inventoriées le 1er janvier 1791 dans le cabinet de la Pendule avec les portraits peints à l'huile de Louis XV et Marie Leszczynska (A.N.,O1 1965 : « 4 tableaux dont 2 sous verre peints en pastel dont 1 représentant M. le Dauphin père du Roi et l'autre Madame la Dauphine. Les 2 autres peints à l'huile représentant Louis 15 et la Feue Reine »). Saisie révolutionnaire. Le pastel est inventorié le 10 juin 1823 par François Lauzan au Grand Trianon à Versailles (A.N., cote 20150040/14, anciennement V3, no 13). Inscrit avant 1827 par Morel d'Arleux sur l'inventaire des dessins du musée du Louvre sous le numéro 12976 (A.N., 1 DD 41,p. 1740, no 353). Le document précise que le 1er juillet 1833, le pastel a été « compensé avec un des portraits portés au bas de la page 1741 »,probablement sous le numéro 12995 A à F (« 6 portraits de femme dont un de petite fille au pastel »). L'oeuvre a été restaurée en octobre 2003 (suppression du papier de protection tendu sur le châssis à l'arrière, dépoussiérage de la toile de marouflage, ré encadrement dans un cadre emboîtant).
Dernière provenance : Louis XV, collection de


COMMENTAIRE :
Livret du Salon de 1761, partie du n°47. Geneviève Monnier, Inventaire des Collections Publiques Françaises, Pastels des XVIIe et XVIIIe siècles, Musée du Louvre, 1972, n° 69. Une copie peinte à l'huile (0,66 × 0,55 m) fut livrée à la cour de Saxe. Germain Bapst la cite en 1883 (p. 124) comme d'Anton Graff dans l'appartement du roi de Saxe au château de Dresde. L'œuvre est aujourd'hui inscrite sur les inventaires de la Gemäldegalerie Alte Meister à Dresde (inv. Mo 2044. Voir Weber, 1999, p. 9, repr. fig. 3). Le musée des Beaux-Arts de Bordeaux conserve une copie au pastel (inv. Bx E 5738,0,61 × 0,46 m. Legs Demons, 1927). Le visage de la Dauphine a également été reproduit à plusieurs reprises par Jean-Martial Frédou (1710-1795) et par Marie Victoire Jaquotot (1772-1855) pour une miniature sur porcelaine dont l'encadrement porte la mention : « M. de la Dauphine/ par / Victoire Jaquotot / Paris 1820 / d'Après Latour » (musée du Louvre, département des Arts graphiques, Inv. 35628). Après avoir portraituré la première dauphine Marie-Thérèse Raphaëlle d'Espagne, mariée le 23 février 1745 au dauphin Louis Ferdinand et malheureusement disparue dès le 22 juillet 1746, La Tour fut sollicité à plusieurs reprises afin de fixer les traits de la seconde dauphine, Marie-Josèphe de Saxe, qui avait épousé l'héritier de la couronne le 9 février 1747. Du premier portrait, nous ne savons plus rien, sinon qu'il fut probablement commandé en 1747 par le directeur des Bâtiments Lenormant de Tournehem et qu'il était certainement achevé en 1748 (A.N., O1 1921A). Le second fut peint en 1749. Son mémoire précise qu'il avait été exécuté également sur les ordres de « feu M. de Tournehem » et qu'il représentait la princesse avec deux mains, tenant un papier de musique (A.N.,O1 1934A. Engerand, 1900, p. 271). Le mémoire d'une copie faite la même année précisait que Marie-Josèphe de Saxe y était figurée « en déshabillé de moire blanche garnie de rezeaux d'or et ruban violet, un fichu de dentelle et coiffé en négligé, tenant d'une main un papier de musique » (A.N., O1 1934A. Engerand, 1900, p. 271). Payé à La Tour 2 400 livres le 20 juin 1752 sur l'exercice de 1749, le pastel avait été offert par le Dauphin à son beau-père Frédéric Auguste de Saxe dès 1750. Il est toujours conservé à Dresde (Staatliche Kunstsammlungen,Gemäldegalerie Alte Meister, inv. P. 163 ; repr. dans Debrie et Salmon, 2000, p. 98, fig. 39). Fleury et Brière, et à leur suite Wildenstein, avaient pensé que ce portrait était une réplique peinte d'après le premier portrait de 1747, puis ils l'avaient considéré comme l'original de 1747 exécuté avec des nœuds bleus dont La Tour avait livré en 1749 une réplique mais cette fois avec des nœuds violets, ainsi que le mémoire de la copie faite la même année le précisait. En l'absence d'éléments descriptifs pour le pastel de 1747, il est actuellement impossible de trancher. En revanche, on peut affirmer que pour peindre le portrait de 1749, La Tour s'aida de la préparation restée dans son fonds d'atelier (Saint-Quentin, musée Antoine-Lécuyer, inv. LT 28). Sur les deux œuvres, les traits et l'expression un peu mélancolique de la Dauphine sont en effet identiques. Indéniablement inspirée de la préparation de Saint-Quentin, l'étude de visage reproduite par Besnard et Wildenstein en 1928 (no 322, repr. pl. LXXIV, no 131) n'est peut-être pas autographe. Contrairement à ce que Geneviève Monnier avait proposé en 1972, le pastel du Louvre ne pouvait être celui de 1749, clairement identifié comme l'exemplaire offert à la cour de Saxe. Il faut en fait y reconnaître le troisième portrait de la Dauphine peint par le maître. Comme cela est précisé dans un état des effigies de la famille royale adressé à Marigny le 1er août 1763 (cité par Besnard et Wildenstein, 1928, p. 65-66), l'œuvre avait été commencée en 1756 et livrée en 1760. Elle était exposée au Salon de 1761. Nous en avons la preuve grâce au petit croquis de Gabriel de Saint-Aubin tracé sur son exemplaire du livret, où l'on reconnaît aisément l'attitude du modèle, le torse orienté vers la gauche, un collier de perles autour du cou, tenant de la main droite un éventail fermé (repr.ibid., pl. LXX). Ainsi que nous l'avions écrit en 2004, le pastel du Louvre fut peint à l'aide de la seconde préparation figurant la princesse conservée dans le fonds d'atelier de Saint-Quentin (Musée Antoine- Lécuyer, inv. LT 111). La tête est orientée de façon identique, les cheveux de la perruque présentent la même implantation en grosses mèches coiffées vers l'arrière, le sommet du crâne est ponctué d'une touche de bleu correspondant aux myosotis de soie qui ornent la perruque sur le portrait définitif. L'écriture rapide de cette étude invite à y reconnaître un travail fait d'après le modèle. S'il fut certainement très utile à La Tour lorsqu'il peignit ensuite en atelier le pastel devant être livré à l'administration royale, il semble cependant qu'une étape supplémentaire lui ait été nécessaire. Lors de la restauration en 2003 du célèbre pastel décrivant Marie Leszczynska (voir INV 27618),on découvrit en effet une seconde préparation pour le portrait de la Dauphine tracée sur une feuille de papier bleue qui avait été collée en plein sur le carton protégeant le châssis et la toile de marouflage du portrait de la reine. On ne sait si ce fut La Tour qui utilisa lui-même sa préparation pour doubler son carton ou si cette opération eut lieu postérieurement. L'important est de constater que le visage tel qu'il apparaît est encore plus proche du pastel et qu'il constitua très certainement le modèle du visage définitif. En tout état de cause, cette découverte a permis d'ajouter un nouveau dessin préparatoire au corpus graphique du maître et de mieux comprendre quel pouvait avoir été parfois son cheminement créatif. Au Salon de 1761, le pastel aujourd'hui au Louvre ne suscita aucun commentaire particulier. Exposée avec les effigies du duc de Bourgogne et de Xavier de Saxe, le frère de la Dauphine, l'œuvre témoignait comme toutes les autres de cette manière savante avec laquelle La Tour travaillait toujours ses têtes et de son aptitude à saisir les ressemblances. Personne n'avait noté que le maître avait réutilisé avec la main droite tenant l'éventail un geste déjà retenu pour le portrait de Marie Leszczynska montré en 1748 et qu'il avait aussi pris soin d'orner le buste de la Dauphine de bijoux déjà utilisés pour le pastel envoyé à Dresde, soit son Saint Jean Népomucène serti de diamants suspendu à un noeud rouge (Marie Leszczynska possédait un bijou similaire) et l'ordre autrichien de la croix étoilée accroché à un nœud noir qui, curieusement, n'apparaît pas dans l'inventaire après décès de la princesse (Bapst, 1883). Comme le portrait de 1749, celui achevé en 1760 connut un très grand succès auprès des copistes, en particulier Jean-Martial Frédou, qui en fit l'un de ses modèles de prédilection. Avec l'aide de la préparation du musée de Saint-Quentin,il servit aussi de modèle à La Tour lorsqu'il exécuta le portrait monumental de la Dauphine figurée assise dans son appartement de Versailles en compagnie de l'un de ses fils, certainement le petit duc de Bourgogne (Saint-Quentin, musée Antoine-Lécuyer, inv. LT 17). Laissée inachevée, peut-être en raison du décès de l'enfant en mars 1761, l'œuvre n'avait pas été commandée par les Bâtiments du roi et pouvait avoir été le seul fait de l'artiste afin de faire plaisir à la Dauphine. C'est sans doute pourquoi, cherchant à lui en faire la surprise,il n'avait pas demandé une nouvelle séance de pose et s'était attaché à travailler d'après les modèles dont il disposait déjà. Il semble que ce fut aussi le cas pour le cinquième et dernier portrait de la Dauphine. Présenté au Salon de 1763 (no 64) avec les effigies du Dauphin (no 63), du duc de Berry (no 65), du comte de Provence (no 66), du prince Clément de Saxe (no 67) et de la princesse Christine de Saxe (no 68), le pastel est aujourd'hui perdu mais fut rapidement copié par Anne Baptiste Nivelon et gravé en 1767 par Claude Antoine Littret de Montigny afin de rendre hommage à la princesse tout récemment disparue. La copie peinte comme l'estampe révèlent que La Tour s'était alors contenté de reprendre le visage et l'attitude de son portrait de 1760 en ne changeant que l'habit, Marie-Josèphe de Saxe paraissant le cou serré par un nœud de soie, les cheveux piqués d'une mante de dentelles, le torse maintenu dans un corset à broderies d'or,les bras glissés dans des ruchés de dentelles en « petits bonshommes ». Cette nouvelle représentation d'un visage utilisé quelques années auparavant pouvait en partie expliquer la réaction de Diderot après sa visite au Salon de 1763 : « La Tour est toujours le même. Si ses portraits frappent moins aujourd'hui, c'est qu'on attend tout ce qu'il fait » (cité par Besnard et Wildenstein, 1928, p. 67) (Xavier Salmon, Pastels du musée du Louvre XVIIe -XVIIIe siècles, Louvre éditions, Hazan, Paris, 2018, cat. 94, p. 198-200).

INDEX :
Personnes : Marie-Josèphe de Saxe
Sujets : portrait
Techniques : pastel

REFERENCE DE L'INVENTAIRE MANUSCRIT :
vol. 11, p. 327