© GrandPalaisRmn (Musée du Louvre) / Michel Urtado
Ecole française
Portrait du sculpteur Jean-Baptiste Pigalle ( 1714-1785), assis, en habit de chevalier de l'ordre de Saint-Michel.INVENTAIRES ET CATALOGUES :Cabinet des dessins
Fonds des dessins et miniatures
INV 30860, Recto
Anciens numéros d'inventaire :
NIII31076
LOCALISATION :Réserve des pastels
ATTRIBUTION ACTUELLE :ROSLIN Marie Suzanne
TECHNIQUES :Pastel sur quatre feuilles de papier gris-bleu assemblées à joints vifs, marouflées sur toile tendue sur châssis. Au dos sur le papier de bordage en haut à gauche, à la plume et encre
brune : 13. Sur le panneau en bois de protection arrière, formé de quatre planches,numéro à la plume et encre brune : 13 ; numéros au crayon noir : 107 et 13140, numéro à la craie blanche : 20-9. Étiquette ancienne portant le numéro à la plume et encre brune 1202. Étiquette du musée Napoléon portant le numéro à la plume et encre brune 31070 (?). Étiquette de l'exposition du musée Carnavalet dédiée en 1947 à la Suède et Paris.
Les mesures du cadre sont : H : 01,14 ; L : 00,97 et profondeur : 00,08.
H. 00,919m ; L. 00,740m
COMMENTAIRE :Le sculpteur est vêtu du costume de Chevalier de l'Ordre de Saint Michel. A droite, une évocation du mnument élévé par lui à Reims en l'honneur de Louis XV. Geneviève Monnier, Inventaire des Collections Publiques Françaises, Pastels des XVIIe et XVIIIe siècles, Musée du Louvre, 1972, n° 103.
Sylvie Martin, Le portrait d'artiste au XVIIIe siècle et la critique de son temps, Histoire de l'Art, n° 5/6, mai 1989, p. 63-74, fig. 4, p. 69.
Neil Jeffares donne ce pastel à Mme Alexandre Roslin, née Marie-Suzanne Giroust, portrait de Jean-Baptiste Pigalle (1714-1785), sculpteur, adjoint à recteur de l'Académie royale de peinture et sculpture, en habit de chevalier de Saint-Michel (Dictionary of pastellists before 1800, Londres, 2006, p. 442).
Le samedi 1er septembre 1770, l'Académie royale s'étant assemblée pour les conférences, la dame Marie-Suzanne Giroust, épouse de M. Roslin, conseiller, née à Paris, peintre dans le genre du portrait en pastel, avait présenté de ses ouvrages pour être agréée. L'assemblée, après avoir pris les voix à l'ordinaire et reconnu sa capacité, avait agréé sa présentation, et s'étant trouvé, dans les ouvrages qu'elle avait montrés, le portrait de M. Pigalle, adjoint à recteur, la Compagnie l'avait accepté pour sa réception. En conséquence, la dame avait été aussitôt reçue académicienne pour avoir séance dans les assemblées de l'Académie et jouir des privilèges, prérogatives et honneurs attribués à cette qualité, à la charge d'observer les statuts et règlements de la Compagnie. Elle avait immédiatement pris séance en cette qualité. Vingt-sept jours plus tard, quoiqu'elle se fît un plaisir d'encourager le talent dans les femmes en en admettant quelques-unes dans son corps, l'Académie considérait néanmoins que ces admissions, étrangères en quelque façon à sa constitution, ne devaient pas être trop multipliées. Elle arrêtait du coup qu'elle n'en recevrait point au-delà du nombre de quatre et qu'elle ne s'engagerait pas toujours à remplir ce nombre de quatre, se réservant de ne le faire qu'autant qu'elle s'y trouverait déterminée par des talents véritablement distingués. Presque exclusivement masculine, la Compagnie s'était-elle sentie menacée par le talent de ces femmes artistes qui désiraient une reconnaissance officielle ? Il faut souligner que le portrait de Pigalle présenté par Mme Roslin s'imposait en véritable tour de force. Exposé au Salon de 1771 (no 150), il appelait aussitôt les commentaires les plus élogieux. Dans L'Année littéraire (V, lettre 13,p. 289-311), peut-être sous la plume de Fréron, qui avait conservé l'anonymat, on notait les portraits au pastel de Mme Roslin qui intéressaient par les ressemblances vivement saisies et par leur faire libre et hardi. On était surtout frappé par celui de M. Pigalle. L'Avant-Coureur (36, 6 septembre 1773, p. 561-569) louait la liberté de la touche, la finesse des tons et la vérité du coloris. Le Journal encyclopédique (15 novembre 1771, p. 95) considérait que le pastel figurant Pigalle, d'une grande force, se soutenait de pair avec les portraits à l'huile au milieu desquels il était placé. Mme Roslin dessinait et peignait savamment. On voyait aisément qu'elle avait étudié son art avec jugement et qu'elle le connaissait bien. Le Mercure de France (octobre 1771, p. 174-201) partageait cet avis, considérant que l'œuvre, bien dessinée, d'un bon ton de couleur et savamment touchée, se soutiendrait à côté des meilleurs portraits à l'huile. Enfin, Denis Diderot ne boudait pas non plus l'effigie du sculpteur (Salon de 1771, Seznec et Adhémar, 1957-1967, IV, p. 165-229). C'était un bon portrait, bien ressemblant et qui faisait honneur à Mme Roslin. La couleur en était belle et vigoureuse. Le morceau devait toujours demeurer cher aux amateurs ainsi qu'aux artistes. Seul l'auteur anonyme des Mémoires secrets, peut-être Pidansat de Mairobert, semblait manifester quelque jalousie. Pour lui, si l'on ne trouvait pas une grande ressemblance dans le portrait de M. Pigalle en habit de chevalier de l'ordre de Saint-Michel, on voyait en revanche que Mme Roslin avait été à l'école de son mari par le coloris et qu'elle avait quelquefois trempé son pinceau dans ses couleurs. Le venin était distillé. Marie-Suzanne Roslin, celle que l'on considérait comme le successeur de Maurice Quentin de La Tour, devait finalement une part de son art à son époux. Il ne s'agissait là que de médisance. Le choix de portraiturer Pigalle s'imposait par sa fonction d'adjoint à recteur au sein de la hiérarchie académique. Il avait été nommé à cette position le 7 juillet 1770 et avait donc toute légitimité pour devenir le modèle du portrait. Le sculpteur était également au sommet de sa notoriété. En 1755, il avait reçu la commande du monument à Louis XV prévu pour la place Royale à Reims. Si la municipalité s'était directement adressée à Lambert Sigisbert Adam et si le comte de Caylus avait défendu Louis Claude Vassé, le choix du sculpteur avait été finalement fait par Marigny (Gaborit, 1985, p. 12-13). Pigalle avait soumis au roi le modèle de sa statue pédestre entre 1756 et 1758. Le travail s'était ensuite poursuivi pendant dix ans, le monument étant achevé en 1765. Il avait alors été gravé par Pierre Étienne Moitte d'après un dessin de Charles Nicolas Cochin. Largement diffusée, l'estampe servit certainement à Mme Roslin au moment de peindre le pastel, le monument apparaissant à droite de sa composition. Également chargé à partir de 1763 d'achever la statue équestre du roi commandée à Edme Bouchardon pour la place Louis XV à Paris, actuelle place de la Concorde, Pigalle conduisait en même temps le grand chantier du mausolée du maréchal de Saxe. Le 8 mai 1769,afin de souligner son talent, le roi lui accordait l'anoblissement en lui concédant le cordon de Saint-Michel. Cette distinction suprême conduisit Marie-Suzanne Roslin à renoncer à l'iconographie traditionnelle de l'artiste au travail pour privilégier la représentation de l'homme dans sa réussite officielle. Elle en profita surtout pour faire montre de sa parfaite maîtrise technique du pastel en peignant le somptueux habit de soie noire et de moire bleue enrichi de dentelles. Le brio avec lequel elle parvint à faire miroiter la moire, à faire chanter les noirs, couleur ô combien difficile à manier, et à détailler les dentelles, sans pour autant négliger la ressemblance, la parfaite transcription des volumes et le raccourci de la main gauche, ne pouvait que convaincre l'Académie de lui offrir un siège. Si Alexandre Roslin, qu'elle avait épousé le 8 janvier 1759, avait certainement été de très bon conseil, pratiquant également le pastel et traitant supérieurement les matières, son maître Maurice Quentin de La Tour ne lui avait semble-t-il rien caché de ses secrets. Dès le 2 avril 1758, la Feuille Nécessaire contenant divers détails sur les sciences, les lettres et les arts s'en faisait l'écho (p. 116) : « Les femmes partagent aujourd'hui avec les hommes tous les genres de talens : à l'égard de la Peinture, si leur composition n'est pas toujours aussi hardie, la beauté du coloris se trouve plus souvent dans leurs Ouvrages. Madame Rosselin, Elève du célèbre M. de La Tour, a fini depuis peu divers morceaux en Pastel, dans lesquels on remarque la fraîcheur et la vérité du coloris de cet excellent maître. Elle réussit particulièrement dans le portrait, elle saisit très bien la ressemblance et le ton de la carnation » (cité par Sanchez, 2004, p. 1490). Dix années après, Mme Roslin semblait ne plus avoir rien à apprendre. Le 31 août 1772, elle s'éteignait, emportée par un cancer du sein qui, de manière trop précoce, mettait un terme à une carrière qui s'annonçait déjà brillante (Xavier Salmon, Pastels du musée du Louvre XVIIe -XVIIIe siècles, Louvre éditions, Hazan, Paris, 2018, cat. 126, p. 260-262).
neiljeffares.wordpress.com/2018/07/12/the-louvre-pastels-catalogue-errata-and-observations, n° 126.
Rena Hoisington, "Xavier Salmon, Pastels in the Musée du Louvre: 17th and 18th Centuries", dans "Master Drawings", Vol. 57, Number 4, Winter 2019, pp. 525- 532
INDEX :Personnes : Louis XV, roi de France - Pigalle, Jean-Baptiste
Sujets : portrait - Ordre de saint Michel
Techniques : pastel
REFERENCE DE L'INVENTAIRE MANUSCRIT :vol. 12, p. 409