Les collections du département desarts graphiques Musée du Louvre
Mise à jour de la fiche 04/11/2021 Attention, le contenu de cette fiche ne reflète pas nécessairement le dernier état du savoir.

DUCREUX Joseph


Ecole française

Portrait du grammairien Jean Charles Thibault de Laveaux ( 1749-1827).

INVENTAIRES ET CATALOGUES :
Cabinet des dessins
Fonds des dessins et miniatures
RF 1755, Recto

LOCALISATION :
Réserve des pastels

ATTRIBUTION ACTUELLE :
DUCREUX Joseph

TECHNIQUES :
Pastel sur cinq feuilles de papier bleu contrecollé sur plusieurs feuilles de papier bleu et beige portant des académies à la pierre noire et rehauts de craie blanche. La protection arrière du châssis est constituée de trois feuilles de papier contrecollées, portant des dessins dont un à la sanguine et une académie masculine à la pierre noire et rehauts de craie blanche. Au dos de cette protection arrière, collé sur une feuille de papier bleu, article biographique qu'Émile Bellier de la Chavignerie avait dédié à l'artiste le 15 novembre 1859 (colonnes 469-471) dans la Revue des Beaux-arts. Les mesures du cadre sont : H : 00,86 ; L : 00,72 et profondeur : 00,075.
H. 00,717m ; L. 00,594m

HISTORIQUE :
Exposé au Salon, Paris, 1793, no 238. En possession du modèle, puis par descendance à son petit-fils Charles Marty-Laveaux, qui en fit don au musée du Louvre au début de l'année 1892 (A.L., D8 1892, 12 février).
Dernière provenance : Marty-Laveaux, Charles
Mode d'acquisition : don
Année d'acquisition : 1892


COMMENTAIRE :
A l'occasion de l'ouverture du montage de protection du portrait peint en 1793, trois nouveaux dessins de Ducreux ont été découverts. Ils étaient utilisés comme renforts des feuilles de papier supportant le portrait et comme protection arrière du châssis sur lequel l'œuvre était tendue. Ces feuilles contrecollées figurent toutes des études anatomiques, avec un écorché et deux académies masculines. Elles étaient utilisées par Ducreux comme matériau de doublage et de protection (Xavier Salmon, Découverte : Trois académies dessinées par Josep Ducreux, Grande Galerie, Le Journal du Louvre, déc. 2017/janv./févr. 2018, n° 42, p. 10, repr.). Après un bref séjour à Londres au début de l'année 1791 où il ne trouva pas auprès des amateurs le succès escompté, Joseph Ducreux regagna Paris à la mi-août et put exposer au Salon de l'Académie de peinture et de sculpture désormais ouvert à tous les artistes par décret de l'Assemblée nationale du 27 août. Ses six portraits suscitèrent alors critique et jalousie. Tout au plus lui accorda-t-on de la vérité et de la couleur mais en le classant parmi ces talents ordinaires qui tendaient plus à la médiocrité qu'à la perfection (Affiches, annonces et avis divers et la Grande assemblée des barbouilleurs du Salon, cités par Lyon, 1958, p. 80-81). Longtemps fier d'avoir portraituré Marie-Antoinette, l'homme cherchait désormais à faire montre de son patriotisme. L'année de son premier Salon officiel, il fut admis au nombre des amis de la Constitution. Le 1er décembre, il signait aux côtés d'autres confrères et surtout de l'irréprochable David une adresse à l'Assemblée nationale par les artistes non académiciens pétitionnaires pour diverses réclamations. Le 12 janvier 1792, il s'engageait parmi les volontaires de la Garde nationale parisienne. Le 28 mars 1793, il était nommé par le comité de la Fontaine de Grenelle « l'un de ses membres commissaire à l'effet de faire dans l'étendue des 4e et 10e Compagnies de la dite section armée la recherche des armes de toute espèce qui se trouveront chez des ci-devant nobles, ci-devant seigneurs autres que ceux qui sont employés dans les armées de la république ou fonctionnaires publics civils ou militaires, les prêtres autres que les évêques, curés, vicaires et autres que ceux qui servent dans les armées » (Lyon,1958, p. 89). La même année, Ducreux exposait au Salon les effigies de plusieurs personnalités, comme Robespierre ou Couthon,président du Comité de salut public. Celle de Jean Charles Thibault de Laveaux, montrée sous le numéro 238, comptait aussi au nombre de ces étendards de la Révolution auxquels l'artiste rendait un hommage quelque peu appuyé et non désintéressé. Après avoir enseigné le français et la littérature à Bâle, Berlin et Stuttgart, Laveaux s'était installé à Strasbourg, où, à partir de novembre 1791, et par intermittence jusqu'en avril 1793, il avait dirigé le Courrier de Strasbourg publié par le libraire Treuttel. Emprisonné du 22 avril au 16 mai 1792 après avoir attaqué par voie de presse le maire de la ville, il quittait Strasbourg pour Paris peu après sa libération. En août, il était nommé membre du tribunal de la Commune chargé de juger ceux qui avaient pris la défense du roi. Envoyé en mission dans les départements à partir de septembre, il était de retour dans la capitale en avril 1793 et obtenait le 30 mai, grâce au soutien de la Société des Jacobins, la rédaction du Journal de la Montagne, dont le premier numéro paraissait à l'Imprimerie patriotique et républicaine dès le 1er juin. Le nom de Laveaux disparaissait du journal de manière définitive en novembre 1793. Tout au long de cette même année, le journaliste avait aussi donné une partie de son temps à la mise en place du Journal d'instruction civique et politique, au Conservateur ou Journal historique de la République française, dont quelques numéros furent imprimés pendant le mois de germinal, et à la parution entre le 21 septembre 1792 et le 30 juin 1793 du Premier Journal de la Convention ou Le Point du jour. C'est donc d'un acteur impliqué dans l'évolution des idées et des esprits que Ducreux livrait au Salon les traits. Dans les Affiches, annonces et avis divers, la critique soulignait combien l'artiste maîtrisait la ressemblance et témoignait dans son faire et dans ses masses d'une grande résolution, et ce même si sa couleur pouvait parfois paraître un peu noire (Lyon, 1958, p. 90). Sobrement vêtu, Laveaux offre ce visage où l'intelligence semble soutenue par un métier qui ne cache rien. Techniquement, l'œuvre est indéniablement brillante. Elle présente aussi la particularité d'avoir été peinte sur une feuille de papier agrandie de quatre autres morceaux de papier qui, contrairement à la pratique la plus habituelle, n'a pas été marouflée sur une toile mais contrecollée sur plusieurs autres feuilles portant des études anatomiques, un écorché et une académie (RF 1755 bis et RF 1755 ter). De même, pour protéger le châssis, Ducreux n'a-t-il pas utilisé du bois ou du carton,mais à nouveau plusieurs feuilles contrecollées portant certains de ses dessins, dont une académie masculine (RF 1755 quater). Sans doute l'artiste avait-il eu recours à cet expédient par souci d'économie. Il lui était en effet moins onéreux d'utiliser son propre fonds de dessins académiques comme matériau de doublage et de protection plutôt que d'acquérir des toiles de lin ou de chanvre. En 1795 ou peu avant, lorsqu'il avait portraituré le compositeur Étienne Nicolas Méhul (Château de Versailles, inv. MV 5331.Salmon, 1997, p. 68-70, no 14), Ducreux avait également utilisé pour papier de doublage une feuille d'étude à la sanguine utilisée pour son autoportrait dit « Le joueur de Regnard ». Les années passant, il était donc resté fidèle à cette manière si curieuse de donner de la résistance à ses pastels. (Xavier Salmon, Pastels du musée du Louvre XVIIe -XVIIIe siècles, Louvre éditions, Hazan, Paris, 2018, cat. 58, p. 124-125).

INDEX :
Collections : Marty-Laveaux, Ch.
Personnes : Laveaux, Jean Charles
Sujets : portrait
Techniques : pastel

REFERENCE DE L'INVENTAIRE MANUSCRIT :
vol. 19, p. 144