Les collections du département desarts graphiques Musée du Louvre
Mise à jour de la fiche 05/04/2022 Attention, le contenu de cette fiche ne reflète pas nécessairement le dernier état du savoir.
Attribué à

ALTDORFER Albrecht


Ecole allemande

Femme franchissant, à cheval, la porte d'une ville

1516

Dessin

TECHNIQUES :
encre noire - gouache blanche - papier préparé en vert - plume

INVENTAIRES :
Collection Edmond de Rothschild
30 DR/ Recto

Anciens numéros d'inventaire :
1211

LOCALISATION :
Réserve Edmond de Rothschild

ATTRIBUTION ACTUELLE :
Attribué à ALTDORFER Albrecht

PROPOSITIONS D'ATTRIBUTIONS :
Atelier de ALTDORFER Albrecht
Lepape, Séverine, 2020

TECHNIQUES ET DIMENSIONS :
Plume et encre noire, rehauts de gouache blanche, sur papier préparé vert olive H. 20,7 ; L. 16 cm Daté 1516 en haut à droite
Dimensions à la feuille : H. 00,207m ; L. 00,160m

HISTORIQUE :
John Rushout (1769-1859), 2e lord de Northwick ; Edward George Spencer-Churchill (1876-1964) ; vente Londres, 5 juillet 1921, no 54, repr. pl. IV ; acquis par le baron Edmond de Rothschild ; don au musée du Louvre en 1935 Œuvre auparavant conservée dans le portefeuille IV du baron Edmond de Rothschild.
Dernière provenance : Rothschild, baron Edmond de
Mode d'acquisition : don
Année d'acquisition : 1935

COMMENTAIRE :
On connaît quatre autres versions de ce dessin: Londres, Berlin (SMPK, Kupferstichkabinett, KdZ 82), Vienne et Dessau. Du point de vue iconographique, Winzinger propose de lire en cette page une prostituée à soldats, thème que révéleraient les chiens du premier plan. On est tenté de le rapprocher de deux oeuvres, du dessin du Kupferstichekabinett de Berlin 'Jeune femme à cheval chassant le faucon', et d'un bois de Dürer daté de 1498 'Le chevalier et le lansquenet' (701 LR). Cette feuille soulève la question de l'exercice de la répétition, voire de la 'variante'. (P. Torres, 2004). « La réunion de ces quatre dessins offre une occasion inédite d'aborder la question de l'existence d'un atelier d'artistes au service d'Altdorfer et de ses pratiques de travail dans le domaine du dessin sur papier préparé. En effet, l'accès à deux de ces feuilles (l'une au Louvre, collection Edmond de Rothschild cat. 21b, l'autre en collection particulière, cat. 21d) était difficile jusqu'à récemment, et de nature à empêcher les chercheurs travaillant sur Altdorfer dans la seconde moitié du xxe siècle - à l'exception notable de Guido Messling, qui a récemment publié une excellente analyse sur cet ensemble - de les étudier avec toute l'attention qu'elles méritaient. L'existence de répliques ou de copies d'un même dessin est bien attestée dans le corpus de l'artiste : citons par exemple les deux dessins de Samson et le lion conservés a Berlin (cat. 20), pour lesquels Hans Mielke a pu démontrer en 1988, grâce à l'examen du papier, qu'ils provenaient en réalité d'une même feuille, coupée en deux au milieu du filigrane. Aucune des quatre feuilles n'est signée - le monogramme présent sur celle de Dessau est un ajout, mais on peut considérer comme très probable que le dessin de Dessau est une feuille autographe. Les avis sur ce point ont grandement divergé et il n'est pas inutile de les résumer ici : si Friedländer a considéré qu'il s'agissait bien d'un dessin d'Altdorfer, et à sa suite Tietze et Becker, plusieurs historiens (Baldass, Oettinger, Winzinger, avec plus de nuances) y ont vu la preuve de l'existence d'un autre artiste dans la mouvance d'Altdorfer, que l'on appelle le « Maître de l'Historia », d'après l'ensemble de dessins aquarellés qui forment l'illustration du manuscrit de l'Historia Friderici et Maximiliani (cat. 42) que ces mêmes chercheurs lui attribuent. Mielke a démontré depuis qu'il n'y avait pas lieu de voir dans l'auteur des dessins de l'Historia une autre personnalité que celle d'Altdorfer jeune. En effet, le dessin de Dessau est stylistiquement proche des oeuvres graphiques qu'Altdorfer a exécutées dans les années 1508-1510. Malgré l'usure des rehauts de gouache et la large tache présente au-dessus de la tête de la cavalière, il est facile de reconnaître le trait nerveux des plis et des hachures en courbe sur la jupe de cette dernière, caractéristiques de la manière dont l'artiste dessine à cette époque le modelé des vêtements, et que l'on peut voir dans le dessin de la Femme à cheval au faucon, autour de 1507, conservé a Berlin, cousine de notre cavalière, dans celui de Vénus et Amour de Berlin de1508 (cat. 9), dans le Couple d'amants dans un champ de blé de Bâle (cat. 14) ou sur l'un des deux apôtres figurant au premier plan du Christ au mont des Oliviers de Berlin, de1509. Dans les dessins et les gravures de ces années-là, Altdorfer laisse fréquemment un court espace vierge entre le trait de contour, souvent appuyé, de ses personnages et le début des hachures, comme on peut le voir sur la partie droite du soldat figuré de dos, représenté par ailleurs dans une position identique a celle du lansquenet du dessin de Copenhague (cat. 11a). L'Homme sauvage de Londres (cat. 16b) offre également sur ce point des rapprochements convaincants. Les murs et le sol remplis à grands traits libres, et le paysage rapidement esquissé a l'arrière-plan, comme dans le Christ au mont des Oliviers ou dans l'Homme sauvage, plaident pour une feuille autographe, même si le trait sur les visages paraît plus appuyé que celui que l'on rencontre dans les dessins de 1506-1508, où bouches et yeux sont souvent sommairement esquissés, et semble plus proche par exemple du traitement du visage du saint Christophe de Hambourg. Pour ces raisons, il faut peut-être dater plus tardivement, vers 1510, la feuille de Dessau. Par ailleurs, le sujet des quatre dessins - une femme franchissant la porte d'une ville entourée de soldats - se rattache à la veine iconographique qu'Altdorfer explore volontiers dans la première décennie du XVIe siècle, celle du monde quelque peu brutal de la soldatesque et des lansquenets, et si certains auteurs ont eu la pudeur d'identifier la courtoise cavalière avec une dame de haut rang (Friedländer, Winzinger), il semble aujourd'hui plus vraisemblable d'y reconnaître une prostituée de camp un peu sophistiquée. Les trois autres dessins, à notre sens de trois mains différentes, montrent une facture plus appliquée, une pose des hachures très systématique, qui va parfois jusqu'à durcir l'ombre délicate portée sur la joue de la femme, des problèmes de placement des personnages dans l'espace ou l'emploi quelque peu scolaire des rehauts de gouache blanche sur la feuille. Ce sont très vraisemblablement des copies faites dans l'atelier, qui témoignent de l'habileté variable des artistes qui y travaillaient. Guido Messling a tenté de reconstituer une sorte d'arbre philologique de ces copies, considérant que la feuille du Louvre et celle de la collection particulière auraient pu s'inspirer l'une de l'autre. Il est en effet certain que les dessinateurs des trois feuilles ont choisi des partis différents : l'auteur du dessin de Berlin a repris de celui de Dessau l'idée de la pique passant sur le visage du porteur de hallebarde à l'avant du cheval, là où les deux autres dessinateurs ont choisi de corriger ce qui leur semblait sans doute une incongruité. De même, deux auteurs (Berlin et collection particulière) ont corrigé l'absence de pied gauche du soldat sans chapeau à gauche, alors que le dessinateur de la feuille du Louvre a maintenu cette absence. Mais, en réalité, chaque dessin révèle les forces et les faiblesses de son auteur dans cet exercice redoutable qu'est la copie. Si la feuille de Berlin témoigne d'une observation plus scrupuleuse de l'original, la facture est beaucoup moins habile, le trait mou et sans vitalité, et les visages sont nettement éloignés du style d'Altdorfer. Celui conservé en collection particulière semble au contraire mieux maîtriser le trait d'Altdorfer, mais le traitement du visage de la cavalière, la simplification du groupe de soldats derrière elle et le caractère laborieux ou nettement sommaire des hachures trahissent la copie. Le dessin du Louvre, qui suggère un caractère appliqué dans l'imitation du trait mais également beaucoup d'approximations, tant dans la représentation de certains détails des costumes que dans l'agencement des personnages dans l'espace ou dans l'articulation plus lâche du groupe du premier plan avec le paysage plus éloigné, désigne une personnalité peut-être un peu plus désinvolte que ses autres collègues. Les dates sur les dessins de Berlin et du Louvre nous semblent devoir être davantage lues comme 1516 que 1510 car le 6 semble trop ouvert pour être un zéro. Elles indiquent que cet exercice de copies est fait dans un court laps de temps, mais quelques années sans doute après l'exécution de l'original. Si l'on considère que toutes ces feuilles ont été dessinées dans l'atelier d'Altdorfer, il faut alors en déduire que cette entité fut active un certain temps, peut-être une décennie, entre 1508-1510 et 1516 au moins." (S. Lepape, 2020). Bibliographie : Vasari Society, 2nd series, I, no 10, 1920, no 10 F. Winzinger, 'Albrecht Altdorfer Zeichnungen, Gesamtausgabe', Munich, 1952, sous le n° 135 'Chefs-d'oeuvre de la collection Edmond de Rothschild du musée du Louvre' (Paris, musée de l'Orangerie, 1954), cat. sous la dir. d'André Blum, Paris, 1954, n° 16 P. Jean-Richard, 'Le XVIe Siecle européen. Gravures et dessins du cabinet Edmond de Rothschild' (Paris, musée du Louvre, 1965-1966), Paris, 1965, p. 34, n° 110 P. Jean-Richard, ; 'Voyageurs au XVIe siecle' (Paris, musée du Louvre, 1975-1976), Paris, 1975., s. n H. Mielke in 'Albrecht Altdorfer Zeichnungen Deckfärbenmalerei, Druckgraphik', Berlin et Ratisbonne 1988, n° 26 P. Torres, 'Dessins et estampes du XVème au XVIIIème siècle de la collection Edmond de Rothschild', (Madrid, Fundacion Juan March, 6 février-30 mai 2004, Paris, musée du Louvre, 7 octobre 2004 - 10 janvier 2005), Paris, 2004, n° 29, p. 146 G. Messling in ', Dessau, Anhaltische Gemäldegalerie, Kritischer Bestandskatalog. IV. Handzeichnungen. Die deutschen und schweizerischen Meister der Spätgotik und der Renaissance', Peterhof, 2011, sous le n°1 P. Torres, 'Luzes do Norte; Desenhos e gravuras do Renascimento Alemão na Coleção Edmond de Rothschild', (Sao Paulo, MASP, 2012-2013), 2012, pp. 122- 123 S. Lepape in 'Albrecht Altdorfer. Maître de la Renaissance allemande', Hélène Grollemund, Olivia Savatier Sjöholm, Séverine Lepape, cat. exp. Paris, musée du Louvre, 1er octobre 2020 - 4 janvier 2021, Paris, 2020, n° 21b, pp. 92, repr. p. 94 Rencontre avec S. Lepape, propos recueillis par V. Coudin, "Albrecht Altdorfer, génie de la mise en scène", dans 'Grande Galerie, le Journal du Louvre, n°52, Automne 2020, p.50-55, repr. p. 55

INDEX :
Collections : Spencer-Churchill, Edward George - Northwick, lord
Lieux : Berlin, Kupferstichkabinett, oeuvre en rapport, Dessau, Anhaltische Gemäldegalerie, oeuvre en rapport

REFERENCE DE L'INVENTAIRE MANUSCRIT :
vol. 1, p. 2